En tant que spectateurs, on voit bien qu’il y a une différence entre l’animation Japonaise et Occidentale, parce que c’est visuellement différent — et pas seulement parce qu’on a jamais vu mickey défoncer du mecha. Une différence culturelle en fait.
D’accord, mais comment expliquer plus préciser ça ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Il y a quelques années, l’animateur Peter Chung (Aeon Flux) avait pris le temps de partager un commentaire intéressant sur ce sujet, donnant des détails sur la différence culturelle et l’impact au niveau du processus technique même, dans la manière de concevoir l’animation. En voici une traduction;
DIFFÉRENCES CULTURELLES
D’après Chung, culturellement le classicisme occidental repose sur une notion de réalisme, où de fait, l’artiste (et la technique) s’efface au profit du sujet. Un peintre classique accorde de l’importance à créer l’illusion, ainsi un tableau doit réussir à faire oublier au spectateur qu’il regarde à de l’huile sur une toile, à révéler le sujet comme s’il s’agissait d’une fenêtre sur la réalité. Les coups de pinceaux doivent se fondre dans le tableau de manière à ne laisser aucune trace évidente du travail de l’artiste.
Alors que du côté Japonais, que ce soit la peinture ou le théâtre, ces arts correspondraient plus à la notion de “modernisme” en Occident. Ce sont des tableaux stylisés, impressionnistes (et expressionnistes), voués entièrement à montrer les coups de pinceaux et la nature plate et graphique de la surface de l’image. De la même manière, le kabuki, noh, bunraku sont stylisés, cherchant à capter l’essence d’un personnage plutôt que sa vraisemblance émotionnelle. Une approche de la représentation qui a été importé dans l’animation.
Bunraku en action
L’une des raisons pour laquelle les jeunes artistes sont attirés par l’animation Japonaise, en essayant de s’en inspiré, c’est qu’on peut voir comment c’est fait. On peut facilement décomposer chaque dessin, et pour cette raison même, ça semble être à la portée de tous.
Dans l’animation classique (qui fait référence à Disney), permettre au spectateur de remarquer qu’il regarde des dessins est un pêché suprême. Dans l’animation classique, même les postures fixes sont redessinées à chaque fois pour les faire “respirer.” Ça s’appelle “moving holds” [maintenir une image]. Dans l’animation classique Américaine, la main de l’animateur ne doit pas être visible. Tout est fait pour se concentrer sur le personnage, et dans l’illusion qu’il s’agit d’une créature vivante. C’est la PRINCIPALE différence entre l’animation Japonaise et Disney.
Ici, les deux personnages en arrière plan maintiennent une pose, ils sont immobiles. Maintenir une image est courant dans le cadre d’une animation limitée — 12 images animées sur les 24 par ex.
LE PROCESSUS TECHNIQUE
Dans les deux cas, il y a du bon et du moins bon. Ainsi au Japon, l’animation type d’un personnage est la conséquence du besoin de camoufler l’imprécision de la synchronisation labiale [le mouvement de la bouche par rapport au doublage]. Le résultat, c’est ces petites bouches et mentons effilés des personnages “kawaii”, ce qui permet aux animateurs de minimiser les postures des bouches, d’éviter d’avoir à animer la mâchoire. Le Japonais comprend moins de phonèmes que les langues occidentales, ce qui permet d’être moins précis dans la synchronisation labiale sans perturber l’audience.
3. L’organisation d’un studio. Ça se divise entre genga et douga (Genga se traduit par “image clée” tandis que Douga “image intermédiaire”). En dehors du Sakkan (Sakuga Kantoku, directeur de l’animation), c’est tout. Parfois, le rôle du sakkan est tellement important qu’il peut même être payé plus que le réalisateur. C’est un poste qui n’existe pas dans un studio Américain, dont la structure typique comprend tellement de postes qu’il est parfois difficile d’y voir clair.
En tout cas, la plus importante différence, c’est que les animateurs Japonais sont assignés à des séquences. Ils animent chaque élément d’une séquence assignée. Parfois, ça comprend les personnages, les objets, les véhicules, les machines, animaux, les effets, les ombres, les fonds (s’ils bougent). Alors que dans les cas Américain, les animateurs travaillent sur un personnage en particulier, et doivent travailler entre eux lorsque les personnages jouent dans une même scène. Chaque animateur travaille sur sa spécialité.
Postes de travail — animateur US (gauche) / animateur JAP (droite)
4. Le travail brut. Les animateurs américains accrochent leurs dessins sur une bar attaché à un disque rotatif, qui est habituellement posée sur un bureau incliné. Ce qui leur permet d’utiliser leur main libre pour faire “tourner” leurs dessins à mesure qu’ils travaillent, afin de vérifier la fluidité de l’animation. Les animateurs Japonais posent leurs dessins sur une bar non-fixée et posée sur une surface quasi-horizontale. Ils vérifient seulement occasionnellement l’animation de la scène, vu qu’ils doivent soulever un tas de feuilles de la bar. Le travail de l’animateur Japonais est plus mental (ou intellectuel), visualisant le résultat dans sa tête. Alors qu’un animateur Américain travaille plus par feeling, par instant, vérifiant encore et toujours la fluidité de son travail à mesure qu’il dessine.
5. Les feuilles d’exposition. Un point un peu obscur mais à l’influence tenace. Les animateurs Japonais classent leurs dessin selon le niveau d’appartenance. La feuille A est au fond, la B, au milieu, et ainsi de suite. Les animateurs Américains classent leurs dessins selon le contenu. Le dessin d’un chat par exemple sera classé C, et quelque soit son niveau d’apparition à l’image, ça ne change pas sa désignation. Ce personnage sera toujours C.
Les animateurs Japonais classent leurs images clées dans l’ordre de la séquence sans tenir compte du nombre de dessins (intermédiaires) au final nécessaires pour compléter la scène. C’est au dessinateur intermédiaires de faire le compte des images. Apparemment, c’est un système pensé pour faciliter le calcul des images, de manière à éliminer la possibilité d’un trou ou d’un surplus d’images.
6. Calcul du salaire. Pour faire simple, les animateurs clés sont payés à la scène. Les animateurs intermédiaires sont payés à la feuille. Ainsi, passer plus de temps sur un dessin n’avantage en rien un intermédiaire, ce qui explique la tendance à produire moins de dessins détaillés et donc de préférer produire un maximum de dessins simples.
Beaucoup de remarques intéressantes de la part de Peter Chung qui rappelle la réalité économique de l’industrie de l’animation japonaise et ses choix – l’animation limitée, l’organisation d’un studio, l’apparente sobriété et aussi tout ce qui concerne le domaine du sakuga, d’ailleurs pour aller plus loin sur le sujet, un immanquable à découvrir d’urgence.
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu